Soiffard.e, salut à toi ! 🤘🍷
C’est Merlin pour la Newsletter #13. Je t'écris avec vue sur le vieux port de Marseille. Savais-tu que les canons censés le protéger sont tournés vers la ville et non la mer ? Car Louis XIV avait plus peur des Marseillais que des invasions externes...
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📧 Au programme :
👉 La Pépite du mois : Le Rhum Ambré de chez Ferroni
👉 L'histoire décalée : Bagnards, Rhum & Corruption en Australie !
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Aujourd'hui, vu que l'on va parler de rhum et de bagnards, je me suis dit qu'il fallait que je t'en présente un (je ne parle pas de bagnard). Celui que je bois régulièrement avec mon frère à la fin de nos repas. Contrairement à moi, ce n'est pas un grand soiffard, mais cela fait partie de nos petits plaisirs lorsqu'il a couché sa fille. S'enivrer pour discuter cinéma, littérature ou MMA. On aime l'art et la bagarre !
🥃 Rhum Ambré de chez Ferroni
Le rhum ambré de chez Ferroni (célèbre maison d'alcool marseillaise) est inspiré du style de rhum que l'on faisait ici au 19 ème siècle. Car oui, à cette époque, il existait plus d'une centaine de marques de rhums à Marseille, et c'était le premier port rhumier d'Europe.
Pour rendre hommage à ce temps (où le Pastis, l'OM et SCH n'existaient pas encore...), Guillaume Ferroni a choisi de proposer un assemblage de 3 rhums en provenance de Trinidad (mélasse), Guyana (mélasse) et de l'Ile Maurice (type agricole). Ils sont sélectionnés dans les distilleries d’origine, pour être ensuite importés et assemblés au Château des Creissauds à Aubagne (le QG de la maison Ferroni). Là-bas, avant d'être descendus lors de mes repas de famille, ils sont vieillis 12 mois en fût de Cognac puis 6 mois supplémentaires en fût de Rasteau (d’où cette couleur légèrement rosée assez unique).
En bouche, cela donne un rhum fruité, boisé et épicé. C'est très accessible, gourmand et rond. Mais parfaitement contrebalancé par son côté sec. Car putain que c'est chiant ces rhums dont la sucrosité vient te gâcher le plaisir de te boire un truc censé te titiller les papilles... Bref, ici, c'est vraiment un bon rhum tout public à sortir pour se faire plaisir au quotidien. On est entre le rhum de compétition et celui que, peu importe le flacon, tu bois par alcoolisme.
Sinon, pour info, Guillaume (qui est le frère de Nicole Ferroni que tu connais peut-être) a fondé la Maison Ferroni en 2011. En plus du rhum, il propose également du Gin, le seul Pastis au monde Millésimé (qui est une grosse dinguerie !), mais aussi des liqueurs disparues et quelques innovations. Que de la frappe !
1770, l'explorateur anglais James Cook découvre l'Australie. La genèse donc des bogans, des coupes mulet, des steaks de kangourou au BBQ et des salopettes. Pourtant, l'idée de base de l'Australie occidentale, ressemblait plus à un discours de miss monde catholique qu'à un grand rassemblement de beaufs...
En 1787, 17 ans plus tard la découverte de James Cook, tout le monde s'en fout de ce grand continent aride. C'est loin et la nature y est hostile. Mais Lord Sydney (oui comme la ville), visionnaire illuminé, décide d'y fonder une sorte de grand délire utopique. Une communauté sans alcool, ni argent, ni vices, qui ferait disparaître le crime, et dont les hommes connaitraient la rédemption dans la sueur du travail...
Le problème, c'est que pour établir sa société d'hippies, le type a la bonne idée d'y envoyer 11 navires composés de 778 bagnards (dont 192 femmes et 586 hommes). La crème de la cassosserie anglaise... Pour les contrôler, Lord Sydney missionne une poignée de soldats sous les ordres d'Arthur Phillip, le malheureux gouverneur nommé pour diriger ce grand bordel (Qui ferait un bon thème d’émission de télé réalité...).
Connaissant les hommes et leur penchant pour les fruits fermentés, le manque d'ivresse se fait ressentir dès les premiers jours. Sur le bateau, seuls les marins (sous contrat privé), qui sont chargés d'amener tout ce beau monde jusqu'en Australie puis de revenir aussitôt en Angleterre, sont autorités à boire de l'alcool. Mais les soldats commencent déjà à râler... Y a pas grand-chose à faire sur un bateau. Pour passer le temps, ils veulent se la coller. À peine le voyage entamé, ça sent déjà la mutinerie. Lord Sydney en est informé, et il se voit donc obligé de leur octroyer le droit de consommer de l'alcool les trois premières années d'existence de la colonie. Le temps qu'ils s'acclimatent à l'aventure rocambolesque qui les attend. L'utopie commence mal...
Bagnards, Rhum & Corruption en Australie !
La fine équipe sélectionnée pour changer la face de l'humanité arrive le 26 janvier 1788 en Australie (qui deviendra le jour de la fête nationale). Le premier jour, ce sont les soldats qui sont autorisés à descendre sur terre. Le lendemain, ils sont rejoints par les prisonniers de sexe masculin. Pour les femmes (qui sont majoritairement des prostituées condamnées à la déportation), il faut attendre le 6 février. Et ce soir-là, pour fonder les bases de l'Australie occidentale, c'est une « scène de débauche et d'émeute qui outrepasse mes capacités » écrit le médecin de bord. Face à ce spectacle, le gouverneur décide de garder en sécurité l'alcool dans un bateau jusqu'à bâtir un entrepôt pour le stocker et le protéger. Car si on rajoute l'option open bar, il sent que ça peut vite devenir le pire endroit sur terre. Bien sûr, les tentatives de vols de rhum commencent dès le premier jour...
Comme tu peux te l'imaginer, la vision utopique d'un monde sans fils de pute est un échec. Je ne vais pas te raconter tous les crimes et les histoires de cassosseries liées au rhum qui s'enchainent au fil des années (elles sont bien trop nombreuses), mais je vais essayer de t'expliquer la situation globale du bordel qui s'installe.
L'Australie, c'est un territoire hostile où tu peux crever à tout moment. Niveau civilisation (on ne parle pas ici des aborigènes), y a rien. Même pas d’hôpital (bien que le premier sera bientôt financé en échange de la promesse du monopole de la vente d'alcool).
D'un côté tu as les gouverneurs qui s'enchainent, épuisés d'essayer en vain d'interdire la vente et la consommation d'alcool pour fonder une société idéale, pensée par des types à 15 000 km déconnectés de toute réalité.
De l'autre, t'as des bagnards soumis au travail de force pour développer la colonie. Mais vu que y a rien à perdre ni à gagner pour eux, seule la promesse d'un peu d'alcool le soir pour s'oublier les motive. T'es donc obligé de troquer en douce du rhum pour qu'ils cassent des cailloux. Le problème, c'est que ce sont des bagnards, du coup, dès qu'ils boivent c'est l'anarchie. C'est le serpent qui se mord la queue, comme on dit...
Et au milieu, t'as une nouvelle classe opportuniste et bourgeoise qui émerge. A moitié représentants de l'État, à moitié contrebandiers, ils vendent et troquent de l'alcool frelaté illégalement pour s'enrichir. Mais personne n'ose rien dire, car c'est le rhum qui maintient la paix, qui fait fonctionner ce nouveau monde. Il devient l'élément central de l'organisation sociale. En témoigne ce qu'on va appeler la révolte du rhum...
La révolte du rhum
En 1806, la colonie a besoin d'ordre. On y envoie William Bligh pour y faire régner la loi. Le genre de raclure qui n'aime personne et qui se sent missionné par dieu pour te faire chier. Afin de régler la question de l'alcool, il s'en prend à John Macarthur, un soldat contrebandier devenu l'homme le plus riche du continent. Macarthur, furieux de se voir confisquer ses alambics clandestins, veut lui faire la peau. En réponse, Bligh le traine en justice. Sauf que dans une société dans laquelle c'est le rhum qui dirige, tout le monde est évidemment corrompu. Juges, commandants, soldats... tous ont un pied dans le deal de canne à sucre fermentée. Le procès n'est qu'une vaste fumisterie. Ce n'est donc pas étonnant de voir Macarthur sortir de sa cellule en toute détente.
Le soir même, 300 soldats se regroupent à la caserne pour boire un coup et célébrer la libération de leur camarade. Chauffé par les vapeurs d'éthanols, l'envie d'en découdre se fait vite ressentir (Eux aussi ils aiment la bagarre). Ils se mettent donc en marche (ou plutôt en titubant) vers la résidence du gouverneur. À part sa courageuse fille Mary, personne n'ose et n'a vraiment envie de se mettre au travers de leur chemin. Ils n'ont plus qu'à tourner la poignée de la porte d'entrée pour s'emparer de l'Australie. En fouillant la maison, ils trouvent William Bligh bien planqué sous son lit. Mais aucun article et livre que j'ai lu sur le sujet ne précise ce qui lui est arrivé...
Tout ce que je sais, c'est que le 26 janvier 1808 (20 ans jour pour jour après celui des premiers bagnards qui ont débarqués), l'Australie connait le seul putsch de toute son histoire. Par contre, il ne faut pas y voir une volonté d'indépendance ou de remise en cause de la souveraineté de l'empire britannique. Mais seulement l'envie de pouvoir vendre, acheter et siroter de l'alcool pépère en se grillant un steak au BBQ. Rien d'autre...
À la suite de cette rébellion, George Johnston, le commandant des forces armées en poste et qui fût l'un des premiers soldats à poser le pied sur le continent, est nommé gouverneur. Sa femme Esther Abrahams, déportée pour vol de dentelle, qu'il a rencontré et épousé ici, porte désormais le titre de première dame. Une belle ascension sociale !
George Johnston, grand ami du soldat contrebandier John Macarthur, sait que le rhum est central au bon fonctionnement de la colonie. C'est donc à partir de ce moment-là que le paradigme concernant l'alcool en Australie évolue. Le début de la beauferie assumée...
Voilà, merci de m'avoir lu !
J'espère que t'as kiffé et que t'as appris des trucs...
Merlin.